SUR LES CHEMINS DE TINOS
C’est à la nuit que nous débarquons sur l’île de Tinos.
Les routes qui serpentent pour nous mener jusqu’à l’Ecolodge nous réservent déjà quelques surprises, furets, brebis que nous dérangeons dans leur vie nocturne.
Il faut attendre le lever du jour pour découvrir le merveilleux balcon naturel qui nous accueille pour une semaine de vacances et de randonnées.
Un ciel d’avril sur une mer immense, quelques herbes agitées par le vent. C’est peut-être le paradis.
Nous chaussons nos pataugas pour n’avoir de cesse de parcourir les chemins de Tinos. Ceux qui nous mènent de vill
age en village tel un chapelet que nos pieds déroulent à terre, Loutra, Kambos, Tripotamos dans la symphonie des lupins sauvages, des genêts, coquelicots, cistes cotonneux. Que de choses à observer, les câpriers et leurs jeunes boutons floraux, le ballet des corneilles mantelées dans le ciel, une crête au loin sur laquelle se détache un moulin dénudé, un semis de hameaux dans les vagues que dessinent les vallons. Parfois nous marchons au milieu des hautes férules, plantes grasses gigantesques aux larges ombelles dorées, sorties tout droit d’un conte de fées.
Nous voici un peu enfants. Et le vent qui nous accompagne, compagnon de nos marches et qui pour le bonheur des yeux imprime aux champs bariolés de fleurs sauvages de lentes ondulations tel un bercement qui nous conduirait vers un monde enchanté.
Ceux qui nous conduisent vers la mer. Lente descente vers Santa Margarita.
De terrasses en terrasses, nous descendons les innombrables marches ancestrales, imaginons les cultures qu’elles ont abritées au cours des siècles. Les voici rendues à la nature et nous les traversons, nous prenant pour quelques brebis, franchissant tant bien que mal les murets qui les bordent.
Juste avant la mer, avant le sable, les bosquets de thym.
Fraîcheur de l’eau. Nous nageons dans une eau transparente et limpide. Nous logeons la côte jusqu’à Lychnaftia, pensant aux chemins douaniers bretons.
Lychnaftia offre un bel escalier de pierre pour nous élever au-dessus d’une mer turquoise, des oliviers cendrés qui s’agitent dans la brise et des pigeonniers dentelés qui se découpent sur la côte.
Le vent redouble de force, la montée devient une épreuve, chacun luttant pour avancer, lèvres desséchées au milieu d’un vacarme empêchant toute parole. Puissance des éléments.
Autre descente à partir d’Isternia vers la plage de Schinaki. Le relief dessine ici un amphithéâtre qui s’ouvre sur la mer, le panorama est grandiose, ponctué de chapelles blanches, de petits cimetières, encore des câpriers, encore des terrasses. Nous descendons par un chemin qui épouse le fond de la combe. Autre bain délicieux.
Nous remontons en crête par un large chemin empierré. Des herbes folles poussent entre les dalles. A nouveau le vent qui nous devient familier.
Jambes fatiguées, nous poursuivons nos vagabondages en voiture. Pyrgghos, la blanche aux volets colorés, ses citrons, ses plantes grasses, ses bougainvillées, ses rues, ses places dans le silence de l’après-midi.
Le soir nous ramène à Kardhiani que nous arpentons au coucher du soleil. Lumière infinie. Parfum d’éternité.
Ceux qui de Volax à Agapi nous font parcourir cet étrange plateau habité de granit aux formes animales, ici un mammouth, là un aigle. Les chemins bordés de murets de pierre se déroulent tels des rubans qui serpentent, s’éloignent puis se rapprochent au milieu d’un chaos minéral et millénaire. Plateau lunaire où une pluie de graines terrestres aurait fait germer herbes sauvages, lavande perroquet, genêts encore.
Agapi ne nous apparaît que tardivement blottie au creux d’une vallée reculée truffée de pigeonniers jetés là comme à la volée. Nous voici au bout du monde et pourtant une terrasse accueillante nous attend pour un déjeuner tardif et savoureux. Dans les ruelles endormies, un habitant nous regarde passer.
Dernier chemin, celui du retour.
Dernier matin, dernière lumière, un manteau de brume recouvre la mer.
A bientôt, Tinos,
A bientôt Maria, Marilia et Nico, sans vos sourires, votre gentillesse et votre accueil chaleureux tout ceci n’aurait pas eu la même saveur.
Frédérique, mai 2017
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